Le Cameroun, pays d’Afrique centrale, est confronté à de multiples défis sécuritaires, tant sur le plan interne qu’externe. En plus de la menace terroriste de Boko Haram dans le nord du pays, de la crise anglophone dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et de l’instabilité en République centrafricaine voisine, le pays fait face à une recrudescence de la criminalité urbaine dans ses grandes villes, notamment Douala et Yaoundé.
Les agressions à l’arme blanche, les vols, les cambriolages, les braquages, les kidnappings et les assassinats sont devenus monnaie courante dans ces métropoles, où les habitants vivent dans la peur et la méfiance. Selon le rapport 2020 du Global Peace Index, le Cameroun occupe le 140e rang sur 163 pays en termes d’indice de paix, avec un score de 2,7 sur 5.
Parmi les phénomènes les plus inquiétants, celui des “microbes”, des bandes organisées d’enfants et d’adolescents qui sèment la terreur dans les rues et les quartiers populaires. Inspirés par leurs homologues ivoiriens, ces jeunes délinquants, âgés de 11 à 19 ans, sont armés de couteaux, de machettes, de gourdins ou de lames de rasoir, et n’hésitent pas à blesser, dépouiller ou tuer leurs victimes. Selon une enquête d’Afrobarometer publiée en septembre 2020, six Camerounais sur dix (64%) ne se sont pas sentis en sécurité dans leur quartier au moins une fois au cours des 12 derniers mois.
Quelles sont les causes de cette insécurité grandissante ?
De nombreux facteurs peuvent être avancés pour justifier la montée en puissance de l’insécurité dans plusieurs villes du Cameroun.
La pauvreté et le chômage : selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté au Cameroun était de 37,5% en 2014, et le taux de chômage de 4% en 2019. Ces chiffres cachent cependant des disparités régionales et sociales importantes. Ainsi, le taux de pauvreté atteint 74% dans l’Extrême-Nord, et le taux de chômage des jeunes est estimé à 10%. Face à la précarité et au manque d’opportunités, certains jeunes se tournent vers la délinquance comme moyen de survie ou d’enrichissement rapide.
- La faiblesse de l’Etat de droit et de la justice : le Cameroun souffre d’un déficit de gouvernance et d’un manque de confiance des citoyens envers les institutions publiques. Selon Transparency International, le pays se classe au 153e rang sur 180 pays en termes d’indice de perception de la corruption en 2019. La police et la justice sont souvent accusées d’être inefficaces, corrompues ou partiales. Les victimes d’actes criminels ont peu de chances d’obtenir réparation ou protection. Les auteurs d’infractions bénéficient souvent de l’impunité ou du laxisme des autorités. Certains recourent alors à l’autodéfense ou à la justice populaire pour se faire justice eux-mêmes.
- L’influence des conflits régionaux et des flux migratoires : le Cameroun est situé dans une zone géopolitique instable, marquée par des crises politiques et humanitaires dans les pays voisins. La guerre contre Boko Haram a entraîné un afflux massif de réfugiés nigérians dans le nord du pays, tandis que la crise centrafricaine a provoqué un exode de réfugiés centrafricains dans l’est du pays. Ces mouvements de population ont mis sous pression les ressources locales et créé des tensions avec les communautés hôtes. Par ailleurs, certains groupes armés profitent de la porosité des frontières pour s’infiltrer sur le territoire camerounais et y commettre des exactions.
Les mesures mises sur pied par le gouvernement camerounais pour lutter contre l’insécurité
Face à ce défi majeur, le gouvernement camerounais a mis en œuvre plusieurs actions pour protéger de façon efficace les personnes et leurs biens.
- Le renforcement des effectifs et des moyens des forces de sécurité : le gouvernement a augmenté le budget alloué à la défense et à la sécurité, qui est passé de 183 milliards de FCFA en 2013 à 284 milliards de FCFA en 2020. Il a également recruté et formé des milliers de policiers, de gendarmes et de militaires, et leur a doté d’équipements modernes. Des opérations de maintien de l’ordre, de contrôle des identités, de fouille des véhicules et de patrouilles sont régulièrement menées dans les zones sensibles.
- La mise en place d’un dispositif de prévention et de répression de la criminalité : le gouvernement a créé en 2014 un Programme national de sensibilisation et d’éducation à l’environnement (PNSEEE), visant à promouvoir les valeurs civiques et morales, et à sensibiliser les populations aux risques liés à la délinquance. Il a également adopté en 2016 une loi portant répression des actes de terrorisme, qui prévoit des peines allant jusqu’à la prison à vie ou la peine de mort pour les auteurs d’actes terroristes. En outre, il a mis en place des tribunaux militaires spéciaux pour juger les crimes commis par les groupes armés dans les régions anglophones.
- La promotion du dialogue et de la cohésion sociale : le gouvernement a initié en 2019 un Grand dialogue national, visant à trouver des solutions pacifiques à la crise anglophone, qui a fait plus de 3 000 morts et plus de 700 000 déplacés depuis 2016. Il a également lancé en 2020 un Plan national de reconstruction et de développement (PNRD), doté d’un budget de 89 milliards de FCFA, pour financer des projets socio-économiques dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Par ailleurs, il a encouragé la mise en place de comités locaux de vigilance, composés de membres des communautés, pour assurer une collaboration avec les forces de sécurité.
Une menace globale à éradiquer
L’insécurité grandissante dans les grandes villes du Cameroun est un phénomène complexe et multiforme, qui résulte de facteurs structurels et conjoncturels. Le gouvernement camerounais a pris des mesures importantes pour y faire face, mais elles restent insuffisantes ou inadaptées. Il est nécessaire d’adopter une approche globale et intégrée, qui prenne en compte les causes profondes du problème, notamment la pauvreté, l’exclusion sociale, la mauvaise gouvernance et le manque d’opportunités pour les jeunes. Il est également indispensable d’impliquer davantage les acteurs non étatiques, tels que la société civile, les médias, les leaders religieux et traditionnels, les organisations internationales et les partenaires au développement, dans la recherche de solutions durables.